Il est un des benjamins de sa promotion
de Saint Cyr. Attiré par le milieu montagnard, il choisit le
159e R.I.A. à Briançon, qu'il rejoint comme Sous-Lieutenant,
mais il passe au régiment de formation dérivé du
15/9, le 140e R.I.A. Le 10 mai 1940, le régiment est dirigé
vers la Somme; engagé à partir du 18 mai, Poitau va donner
la pleine mesure de ses qualités de chef, de son autorité
et de son sang-froid. Le 2 juin, il prend la tête d'une compagnie
dont le capitaine a été tué au combat.
"J'ai tout quitté
pour mes compagnons: la famille, l'amour, la vie tranquille. Si les
Allemands me prennent vivant, je serais fusillé. Et fusillé
dans le dos comme les officiers de l'armée secrète.
J'avais rêvé de tomber comme le Saint-Cyrien de 1914,
avec le casoar et les gants blancs. Mon Dieu, donnez-moi le courage
de tenir".
Pendant un séjour au Maroc,
il va découvrir le scoutisme, faire sa promesse le 1 février
1941, et créer une troupe : la 3ème Mekhnès.
Il répond ainsi à un appel, ou plutôt à
une volonté : celle de servir. De retour en France, il se retrouve
instructeur à l'école de Billom, rôle qui prendra
pour lui une dimension Chrétienne avec son engagement scout.
Il restera toute sa vie imprégné de l'idéal scout,
et prendra comme devise " Etre une grande flamme rayonnante
". Mais le scoutisme lui apporte plus qu'un idéal,
il lui offre un mode de vie. On a dit de lui : " Pour lui
s'occuper des jeunes, c'est poursuivre, d'une autre façon,
son métier d'officier qu'il considère, en plus de son
aspect militaire, comme une œuvre d'éducation de la jeunesse
française désorientée par la défaite.
" Peu de temps après, il cherche un territoire, et
des hommes pour mener des actions de résistance à sa
façon, c'est-à-dire de façon professionnelle,
menant ses hommes au combat qu'après un entraînement
intensif, et cherchant avant toute chose à préserver
le sang de ses hommes. Il dira d'ailleurs :
" La vie, pour moi, c'est
comme une grande course en montagne : joie de l'effort, de la lutte
et, sitôt au sommet, terminé. Entreprendre, foncer, s'entêter
malgré tout, faire marcher à force : parfait! "
Dans le Dauphiné, avec des jeunes réfractaires du Service
du Travail Obligatoire en Allemagne, des alpinistes membres de l'organisation
"Jeunesse et Montagne" et de nombreux isolés, il
fonde une Compagnie Franche sous le nom de Capitaine Stéphane
dont l'insigne sera une étoile verte. Multipliant les coups
de main et les embuscades, la compagnie compte à son actif
pas moins de 69 actions de guerre entre le 4 juin et le 24 août
1944. Le fonctionnement de cette compagnie sera fortement inspiré
de ce qu'il a lu comme écrits de Baden Powell, avec notamment,
un système semblable au système des patrouilles( ses
maquisards portaient aussi des shorts en toile beige…).
Portant à son paroxysme la
célèbre formule "la sueur épargne le
sang", Stéphane impose à son unité
un entraînement intensif et un train d'enfer entre les différentes
opérations qu'il mène.
A la différence de presque tous
les autres groupes de résistance du Dauphiné, il change
constamment de lieu de campement, ne campe jamais prés des villages
pour éviter qu'ils ne pâtissent des représailles,
et demande à ces hommes une vigilance constante pendant tout
de même prés de deux ans. Très pieux, la Messe sera
célébrée tous les dimanches dans sa compagnie,
même si son unité est composé de personnes de toutes
origines (même deux allemands anti-nazis). Il laisse à
ses hommes le souvenir d'un homme remplit d'humanité, le modèle
parfait du chef. Respectueux de la vie, il essayera de sauver la vie
de miliciens qu'il avait capturés mais un tribunal les fusillera
à la Libération.
Après liberation de la ville
de Grenoble, le 29 août 1944, la compagnie Stéphane forme
le noyau du 15e Bataillon de Chasseur Alpin reconstitué et participe
à la campagne de Maurienne au début de 1945.
Au lendemain de la victoire, son esprit
indépendant et anticonformiste s'accommode mal de la vie de garnison
retrouvée. Il se marie le 28 décembre 1945, puis il est
muté dans les TAP au 18e BIP où il commande une compagnie.
Affecté comme instructeur à l'ESMIA à Coëtquidan,
il suit peu après un stage à l'Ecole d'Etat Major, où
il présente une étude qui fera date intitulée Guérilla
en Montagne, largement inspiré des écrits de Baden Powell.
Il est désigné début
1952 pour servir en Extrême-Orient. A peine débarqué
à Saigon, il est acheminé sur Hanoi et affecté
à l'encadrement des Forces Supplétives du Nord-Viêtnam,
où il se fait remarquer par la qualité de ses résultats.
Il est mortellement blessé au
cours d'une embuscade sur la route de Hanoi à Bac Ninh le 4 avril
1952 et meurt le lendemain à l'hôpital de Lanessan à
Hanoi.
L'aumônier de la compagnie, le
père Carlier, dira de lui après sa mort:
" Stéphane était
un croyant. Non pas un croyant au sens ou on l'entend trop souvent
: celui dont la foi ne serait, à tout prendre, qu'un pur symbole
ou simplement le disciple d'une idéologie abstraite, sans lien
avec la vie. Mais, au sens plein du mot, le croyant qui vit sa foi
et ne la sépare jamais de l'action. "
Parmi les objets envoyés à
sa famille après son décès, il y avait ce petit
dizainier scout qu'il portait dans la poche de son uniforme le jour
de l'embuscade.